Floating Studio (The World We Live In) est un nouveau chapitre qu’il dévoile pour la première fois à la Galerie Hussenot à Paris. Ce n’est pas une exposition au sens traditionnel du terme, mais un studio en mouvement permanent où se rencontrent les domaines physiques et numériques : une simulation d’un espace fictif en ligne, à travers l’espace physique de la galerie. Miltos Manetas défie ici les conditions habituelles de production et d’exposition en ne présentant pas un ensemble d’œuvres finalisées, mais transformant la galerie en un véritable lieu de création en direct, un atelier toujours changeant. 

Démarrant volontairement son projet le lundi 22 novembre pour inaugurer une nouvelle semaine de travail, l’artiste repense aussi la place du public comme partie intégrante de l’exposition, elle-même envisagée comme « un effort collectif » à part entière. « Nous le ferons ensemble, moi-même — l’artiste — Jérôme Sans — le commissaire — la Galerie Hussenot — Vous, moi : le Public. » Plus qu’une exposition statique, monolithique, il s’agit d’un évènement « à composer ensemble », à vivre et à expérimenter pour construire un espace commun réel, en miroir des réseaux sociaux, où se créent autant de contenus et relations nouvelles. Néanmoins, pour l’artiste : « Notre travail et mon exposition consistent à revendiquer notre espace réel », à l’heure où la réalité disparaît de plus en plus en faveur de nouveaux modes de sociabilité et de circulation de l’information engendrés par nos écrans interposés. Fluctuant et inclusif, son Floating Studio s’envisage alors comme une sorte de laboratoire ouvert qui produit l’exposition en temps réel — un cheminement où l’on suit la présence de l’artiste qui vient l’habiter et la faire évoluer, si bien que chaque jour les œuvres vont et viennent, changent ou disparaissent, comme sur un fil d’actualité, ouvert à autant de nouvelles configurations. 

Le Floating Studio est pensé comme un plateau réel, la scène sur laquelle s’expérimentent en direct l’ubiquité et la vélocité du numérique. Miltos Manetas, qui s’est fait connaître en peignant le système iconographique de notre époque — ordinateurs portables, câbles, et toutes sortes d’appareils technologiques — présente un ensemble de toiles et de peintures murales, Pictures of Manetas Floating Studio. Réalisées à partir de pigments et de savon, elles peuvent être effacées aussi rapidement que nos recherches en ligne et se métamorphosent en des simulacres d’écrans. Défilent ainsi sur les murs ses représentations  analogiques du métavers (doublure numérique du monde physique, accessible via Internet), prolongeant son projet d’illustration de ce concept initié en 1998 sur Active Worlds et ensuite transplanté sur Second Life. Tout concourt ici à mettre en œuvre une simulation analogique en temps réel de l’activité numérique de l’ordinateur dans la vie, et par extension, de la digitalisation du monde actuel. Dès lors, les changements qui modifieront les œuvres auront lieu face au public, en lien avec ses interrogations et ses réactions. Cette performance interactive se développe durant toute la durée de l’exposition, à l’image d’un fil de discussion sur WhatsApp, s’enrichissant sans cesse. Cet environnement sera également traversé par les énergies illimitées des NFT, des réseaux sociaux, des forums en lignes, des GAFA et des startups du numérique… L’artiste convoque notre état de confusion unanime face à notre expérience de la réalité, elle-même construite et perçue par le prisme des « géants du numérique » (Google, Alibaba, Netflix, Twitter, Apple, Facebook, LinkedIn, …). Le projet rend compte de plein fouet de cet Internet immersif et intrusif, de ce maillage inextricable au cœur de nos vies quotidiennes contemporaines.

Si Internet a ébranlé notre perception de la réalité, suspendue entre consumérisme digital et surconsommation d’objets, l’artiste le reconnecte aussi à l’idéal sociétal communautaire des mouvements hippies des années 1960 qui ont précédé sa naissance. Dans la même logique que la prolifération d’Internet, Miltos Manetas simule tous les outils digitaux à notre disposition et les espaces gratuits ou connectés comme autant de lieux concrets, à s’approprier. Véritable invitation à les expérimenter collectivement sur les différents plateaux qui composent son Floating Studio, l’exposition est une expérience kaléidoscopique du commencement du métavers, d’un monde virtuel fictif et pourtant bien réel.