En amenant audacieusement cette nature imposante et sauvage à l’intérieur de l’espace d’exposition, l’artiste américain invite le visiteur à pénétrer dans une nouvelle forêt verticale, construite sur mesure pour Cookie Factory. Nothing Without Nature réunit pour la première fois tout le vocabulaire de l’artiste – peintures, photographies, sculptures en céramique, dessins – dans un ensemble d’œuvres réalisées autour de la région de Denver pour cette occasion, ainsi qu’une installation vidéo.

Nomade dans sa pratique, l’artiste travaille en extérieur, avec la nature pour atelier. Pour son projet à Cookie Factory, Sam Falls se saisit de l'immensité de la région du Colorado, célèbre pour sa diversité, allant des montagnes, des canyons, des plaines rêches, aux déserts arides. Il a particulièrement travaillé dans la vallée de la rivière Yampa, entouré par la majestueuse chaîne de montagnes Gore. En se focalisant sur ce territoire, plus précisément sur le chemin du légendaire Pony Express – le service de livraison rapide de courrier aux États-Unis, actif de 1860 à 1861 – le travail de l’artiste évoque une histoire américaine spécifique et un chapitre important de l’histoire du pays. Comme un hommage au Far West et aux Amérindiens qui ont protégé cette terre, Sam Falls revient aux racines, à l’âme de cette région ainsi qu’à son histoire complexe. Profondément ancrées dans le lieu de leur création, ses toiles et ses œuvres sculpturales sont comme des documents géographiques, une empreinte territoriale.

Connu pour intégrer la nature dans son processus créatif, Sam Falls saupoudre de pigment la végétation sélectionnée et laisse ses toiles évoluer face à l’humidité atmosphérique, au soleil et à la pluie. Ainsi, Sam Falls travaille dans un studio sans mur : la nature est son laboratoire et lui dicte le rythme de création de ses œuvres. À l’instar du four pour les céramistes, sa méthode impose de ne jamais connaître la forme finale à l’avance, mais de toujours embrasser les forces imprévisibles de l’environnement. C’est aussi admettre le risque et accepter que le processus puisse ne pas fonctionner. L’artiste opère un renversement : ce n’est plus nous qui regardons la nature, mais la nature qui nous regarde ; ce n’est plus l’humanité qui apprivoise la nature, mais la nature qui apprivoise l’Homme. Le processus de la nature est respecté, une osmose avec l’espace et le temps météorologique est créée. Les toiles de Sam Falls racontent l’histoire de cette acceptation. L’artiste n’est plus l’acteur central de la narration : c'est la nature qui occupe le devant de la scène, c'est sa voix qui se fait entendre. Complètement négligée et oubliée par le monde post-industriel, ici, la nature retrouve en quelque sorte sa place légitime.

Tout comme il le fait avec ses peintures, Sam Falls se retire du processus et laisse la nature suivre son cours dans son installation vidéo Sunset / Sunrise. Diffusée en temps réel, cette œuvre vidéo traverse des villes sur plusieurs continents, montrant le lever et le coucher du soleil. Dans un monde où le rythme même de la vie a changé, où le tempo s’est accéléré de manière exponentielle, alors que le monde moderne a développé une peur de l’obscurité, Sam Falls - dans un acte de résistance poétique - nous ramène à la compréhension la plus primale et naturelle du temps, à une vie ponctuée par ces deux moments culminants de la journée – sa fin et son début.

Les œuvres de Sam Falls sont teintées d’une sorte de mélancolie particulière, celle qui réside dans le fait de se retrouver, de chercher sa propre place dans le monde. Dans cette quête, Sam Falls tente de rétablir la place légitime de la nature, initiant une conversation que toute l’humanité doit avoir avec la Terre dans le monde d’aujourd’hui. Face aux œuvres de Sam Falls, il n’est plus possible de prétendre être maître de la nature. La nature décide, parle et exige d’être écoutée. Sa forêt verticale est aussi un clin d'œil aux forêts intérieures qui habitent chacun de nous, celles dont l’humanité doit se souvenir ; il s’agit d’en prendre soin, les faire grandir tout en les préservant. Tant externes qu’internes, ces forêts n’ont pas de limites. Contrairement à l’humanité qui a continuellement créé des frontières, la forêt est comme le ciel au-dessus de nos têtes qui nous unit tous. Elle est l’image par excellence du mouvement sans limites, de la nature débridée, de notre terrain commun, et de la liberté.