L'exposition Signs of The Times entend mettre en perspective le territoire de ces questionnements pluriels. Comment décrypter et s'approprier désormais les nouveaux signes émis par notre environnement sous cet horizon incertain ? Alors que la collision entre notre civilisation et les limites imposées par la nature devient de plus en plus visible, comment concilier la légèreté des plaisirs simples du moment présent avec la conscience globale de notre époque ?

En faisant preuve d'esprit critique, les artistes réunis dans cette exposition abordent avec une imagination radicale ces questions existentielles, politiques et sociétales qui animent notre expérience du monde actuel. Sous le signe du mirage mais aussi de la sémantique et du pouvoir de reproduction à l'infini, l'exposition propose des univers multiples flirtant de manière décomplexée avec l'angoisse d'un futur incertain. Au-delà de leur pouvoir expressif immédiat, les œuvres abordent de manière sous-jacente certaines de nos questions d'actualité les plus pressantes : le réchauffement climatique, la réécriture de l'histoire, le nombre croissant de laissés pour compte, les défis de la jeune génération face à une société consumériste, le déferlement de messages d'information, l'individualisme débridé... S'il ne s'agit pas ici de donner des solutions ou des réponses à ces problèmes, les œuvres abordent de manière frontale cette mutation des signes en cours. Et, dans notre monde d'images, elles sont, de fait, une force agissante.

En nous confrontant à nos habitudes de consommation, :mentalKLINIK disloque les matériaux communs pour créer une nouvelle forme esthétique séduisante. Leur univers peut être vécu comme festif et glamour, mais aussi surprenant, abrasif, violent et nostalgique comme une angoisse d’after party. Tout un travail de cryptage suspendu entre le vrai et le faux, comme dans l'œuvre de Luna Paiva qui dore ou coule en bronze des objets quotidiens et populaires. Elle transforme le bas en haut, conférant à la banalité des objets communs valeur et identité nouvelles, comme autant de marqueurs chatoyants de notre époque. La question de la production de la valeur est développée dans les récits vidéo inquiétants de Mika Rottenberg, motivés par les inégalités de notre économie mondiale, les conditions de travail absurdes et la fragilité du corps humain, à travers l'humour et la confusion. 

Figure de proue de la nouvelle photographie chinoise, Lin Zhipeng (n° 223) reflète un certain esprit de la jeunesse chinoise non conventionnelle du millénaire. Mêlant amour et chaos, fantaisie et érotisme, ses photographies agissent comme un journal poétique de cette génération désireuse d'échapper aux pressions sociales et d'aspirer aux plaisirs de la vie dans une société indifférente et en constante évolution. Également inspirées par des idéaux utopiques, les déclarations sur carton de Thomas Lélu réactivent l'esprit contestataire de fusion entre l'art et la vie, quand l'art descend dans la rue. Avec ironie, il détourne ces attitudes de contre-culture par des slogans propres à notre époque, s'imprégnant du quotidien et de nos comportements individuels et sociaux.

Métaphore de la fragilité comme force vitale essentielle, les élégants collages et méandres de papier de Joël Andrianomearisoa forment des paysages monochromes en mouvement permanent qui deviennent un opéra total d'architectures éthérées. D'une histoire à l'autre, Athens by Night (2021) d'Andreas Angelidakis transforme un voyage à travers les vestiges de la ville antique en un environnement immersif, interrogeant l'histoire d'Athènes face à d'autres futurs possibles. Comme autant de fragments archéologiques de marbre grec, les modules de coussins en mousse sont multipliés en copies d'eux-mêmes, déplaçables, empilables et se prêtent à la libre interprétation des visiteurs comme dans un jeu de construction collective pour reconstruire un monde commun. Le monde en mutation qui est en mouvement dans les peintures de Romain Bernini : entre errance, décalage et tremblement, ses tableaux psychédéliques sont les prémices de mythologies contemporaines entre symboles et mondes spirituels. Sa recherche d'une relation extatique avec la nature commence avec ses Arbres dont l'iridescence reste floue : s'agit-il d'une prolifération de produits chimiques, de pollution, ou d'une irradiation auto-générée comme substance pour leur survie ?

Ainsi, l'exposition, réunissant des artistes français, turcs, grecs, chinois ou argentins devient-elle mosaïque culturelle, reflet de notre époque contemporaine, au-delà des frontières, des domaines de création, mais aussi des différences générationnelles. Par le biais de toutes ces nouvelles images de l'homme touché par le doute, ces artistes affirment très justement que l'incertitude est un moteur pour préparer collectivement l'avenir.